Il peut y avoir deux sens légèrement différents à ce proverbe…
On ne peut obliger personne à faire ce qui lui est impossible (il s’agit alors de l’impossible pour une personne bien précise).
Ce qui est impossible ne peut être demandé à personne. Dans ce cas, il s’agit de l’impossible pour tous.
La nuance, éventuellement floue pour l’intéressé, peut servir à ménager son amour-propre.
Saint Thomas d’Aquin (v. 1224-1274) utilise souvent la locution dans ses œuvres et sous sa forme latine : Nullus tenetur ad impossibile (Nul n’est tenu à l’impossible). Son apparition remonte donc au moins à l’époque médiévale, et appartiendrait au domaine de la théologie et de la philosophie.
Notons par ailleurs que la locution latine Ad impossibilia nemo tenetur (traduction littérale du proverbe en latin) est une norme juridique, difficile à dater, mais vraisemblablement plus ancienne. Elle garantit qu’aucune des parties liées par un contrat ne peut être obligée d’exécuter une prestation impossible.
En 1694, le proverbe est mentionné par l’Académie. Elle le commente ainsi : « comme son contraire le possible, il [l’impossible] est neutre, a un sens concret, mais aussi un sens philosophique et logique, ainsi réduire quelqu’un à l’impossible veut dire ”exiger d’un homme ce qu’il ne peut faire” et ”le faire tomber en contradiction”. »
Au XVIIIe siècle, un proverbe du Duc de Levis viendra illustrer cette analyse : « Il n’y a d’impossible que ce qui implique contradiction ».
La variante Nul n’est tenu à l’impossible est répertoriée en 1690 dans le dictionnaire de Furetière.
Jean Charles François Tuet le répertorie sous sa forme actuelle dans Matinées senonoises ou proverbes François en 1789.
Notons enfin que le mot « impossible » n’était utilisé qu’en tant qu’adjectif jusqu’au XVIIe siècle. Son statut de substantif dans le proverbe pourrait donc impliquer qu’auparavant, « À l’impossible nul n’est tenu » ne s’employait guère qu’en latin et pouvait difficilement devenir un proverbe à l’usage de tous.