Il ne faut pas disposer d’un bien avant d’être sûr de l’avoir.
Par extension : il ne faut pas crier victoire avant d’être sûr d’avoir gagné.
De façon encore plus large : il ne faut pas présager de l’avenir ; il ne faut pas griller les étapes.
C’est Jean de La Fontaine qui popularisa ce proverbe dans sa fable « L’Ours et les deux Compagnons » (livre V – fable 2, 1668). Sa conclusion est : « Il ne faut jamais vendre la peau de l’Ours qu’on ne l’ait mis par terre. »
La Fontaine, cette fois, ne s’est pas inspiré de Phèdre (auteur latin, v. 18 avant – 50 après J.-C.), mais directement d’Ésope (auteur grec, VIIe siècle – VIe siècle av. J.-C.), l’inspirateur de Phèdre.
« De deux amis et de l’ours » d’Ésope et « L’Ours et les deux Compagnons » de La Fontaine ont en effet des éléments narratifs communs. Mais bien que l’on dise souvent que « ne vendez pas la peau de l’ours avant de l’avoir tué » se trouve dans la fable d’Ésope, il n’en est rien.
Voir une traduction de la fable
Deux Amis et de l’Ours.
Deux voyageurs faisant chemin ensemble, aperçurent un Ours qui venait droit à eux.
Le premier qui le vit monta brusquement sur un arbre, et laissa son compagnon dans le péril, quoiqu’ils eussent été toujours liés jusqu’alors d’une amitié fort étroite.
L’autre qui se souvint que l’Ours ne touchait point aux cadavres, se jeta par terre tout de son long, ne remuant ni pieds ni mains, retenant son haleine, et contrefaisant le mort le mieux qu’il lui fut possible.
L’Ours le tourna et le flaira de tous côtés, et approcha souvent sa hure de la bouche et des oreilles de l’Homme qui était à terre ; mais le tenant pour mort, il le laissa et s’en alla.
Les deux voyageurs s’étant sauvés de la sorte d’un si grand péril, et des griffes de l’Ours, continuèrent leur voyage. Celui qui avait monté sur l’arbre, demandait à son compagnon, en chemin faisant, ce que l’Ours lui avait dit à l’oreille, lorsqu’il était couché par terre.
« Il m’a dit, répliqua le Marchand, plusieurs choses qu’il serait inutile de vous raconter ; mais ce que j’ai bien retenu, c’est qu’il m’a averti de ne compter jamais parmi mes amis que ceux dont j’aurai éprouvé la fidélité dans ma mauvaise fortune.
(Traduction proposée par : litterature-choisie.com & plusieurs autres sites)
La confusion vient de Laurent Abstemius (en italien : Astentio), critique de le Renaissance et auteur du recueil latin Hecatomythium (1495). Il y a mélangé une traduction des fables d’Ésope à d’autres, c’est donc à lui qu’on doit la « vente de la peau de l’ours ».
À peu près à la même époque, Philippe de Commynes (chroniqueur et mémorialiste, 1447-1511) fait référence à la fable dans ses Mémoires (IV, 1490)… Frédéric III, Empereur d’Allemagne, aurait raconté cette fable à un ambassadeur de Louis XI dans des circonstances bien particulières : après que l’ambassadeur lui eut proposé de partager les biens de Charles le Téméraire (roi d’Espagne) entre la France et l’Allemagne, alors que ces trois puissances étaient en à la veille d’une guerre.
Comme d’autres thèmes recommandant la prudence, la sagesse, etc., celui des risques de l’anticipation ne soulève guère d’objection dans les proverbes… On peut néanmoins citer ces proverbes qui nuancent quelque peu :