En amour, ce n’est pas la raison qui gouverne ; l’amour empêche de voir les défauts de l’être aimé.
Le proverbe joue sur les sens propre et figuré de la cécité.
Si on lui ôte son ironie, il peut vouloir dire qu’il faut être indulgent avec les amoureux. À l’extrême, il peut même sous-entendre que l’important dans l’Amour, c’est d’aimer.
On attribue souvent le proverbe à Platon (philosophe grec, 427-348 av. J.-C) car il écrit dans Les lois : « Celui qui aime s’aveugle sur ce qu’il aime ».
On aurait pourtant tort de donner aux mots de Platon le sens que le proverbe a pris car, dans ce texte, le philosophe parle en réalité de l’amour-propre en tant que source d’erreur.
« Mais pour la plupart des hommes, le plus grand des défauts est un défaut inné, que chacun se pardonne et dont il ne cherche pas du tout à se défaire ; c’est ce qu’on appelle l’amour-propre, amour qui est, dit-on, naturel, légitime et nécessaire. Il n’en est pas moins vrai que, lorsqu’on le porte à l’excès, il est toujours la source de toutes sortes d’erreurs ; car celui qui aime s’aveugle sur ce qu’il aime et il juge mal le juste, le bien et l’honnête, parce qu’il croit devoir préférer son intérêt à la vérité. […]
Chacun doit donc se garder de trop s’aimer lui-même et rechercher ceux qui valent mieux que lui, sans y voir aucune honte. »
L’emprunt de ce proverbe à Platon reste pourtant plausible.
La peinture de la Renaissance a en effet souvent représenté Cupidon, le dieu romain de l’amour, par un jeune homme aux yeux bandés.
Or, à la même époque, on redécouvrait les philosophes grecs et Platon.
Les peintres, en aveuglant « l’amour », se seraient donc emparés de la formule de Platon pour l’appliquer à la célèbre figure de la mythologie romaine. Ce faisant, ils ont en tout cas sûrement contribué à propager le proverbe.
Quelques siècles plus tard, Voltaire écrira dans sa Correspondance à Étienne-Noël Damilaville : « Ce n’est pas l’amour qu’il fallait peindre aveugle, c’est l’amour-propre. » (1765)
En 1799, Georg C. Lichtenberg (philosophe & physicien allemand) s’en empare à son tour. Il propose l’aphorisme L’amour est aveugle, mais le mariage lui rend la vue.
Les dictionnaires du XIXe ne le répertorieront pas toujours sous sa forme actuelle…
« L’amour et la fortune sont aveugles » est répertorié en 1750 dans le Dictionnaire des proverbes François, et des façons de parler comiques, burlesques et familières, d’André Joseph Panckoucke.
En 1828, Charles de Méry insère la formule telle que nous la connaissons dans son Histoire générale des proverbes français.
Il relate l’anecdote suivante : « Un capitaine, causant avec une hôtesse qu’il trouvait à son gré, s’avisa, pour lui faire connaître le dessein qu’il avait de goûter ses faveurs, de se mettre un quadruple sur l’un des yeux et de la regarder de l’autre. La donzelle, comprenant fort bien un langage auquel elle était sans doute fort accoutumée : Monsieur, lui dit-elle, l’amour n’est pas borgne, il est aveugle. »
Les proverbes de bien des cultures s’accordent sur les dangers de l’amour, aucun ne vante la clairvoyance des amoureux !
Mais on peut citer un proverbe allemand qui relativise la cécité de l’amour :
Ou, de façon plus détournée, un proverbe marocain :
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