Lorsqu’une action répétée comporte un danger, celui-ci finit toujours par se concrétiser.
Le proverbe est parfois employé lorsque c’est l’usure d’un objet qui cause le dégât final.
Pourtant, son sens évoque plutôt un accident dû à la répétition d’un même risque, et finalement à une maladresse inévitable en termes statistiques. La cruche, objet basique et sympathique, est en effet inusable, mais fragile…
Comme le laisse deviner l’image, ce proverbe rythmé comme un alexandrin est ancien.
Il a cours dès le XIIIe siècle. On le retrouve dans le Roman de Renard (fin du XIIe - début du XIIe siècle) sous la forme : « Tant va pot à l’eve que brise » (tant va le pot à l’eau qu’il se brise).
Pierre-Antoine Leboux de la Mésangère cite, dans son dictionnaire des proverbes français (1823), un fabliau de Gaultier de Coinsi (1178-1236) qui reprend le thème du pot et de l’eau dans un contexte particulier.
L’histoire est celle d’un moine qui, chaque matin, rendait visite à une « dolente ». Pour ce faire, il devait traverser une rivière. Les diables, qui le guettaient, finirent par le noyer…
Tant i ala et tant i vint, (Tant il alla et tant il vint)
Que laidement l’en désavint ; (que laidement il n’en revint)
Tant va li pos au puits, qu’il brise. (tant va le pot au puits, qu’il se brise)
C. de Méry, dans L’histoire générale des proverbes (1828), rapporte la version de Gabriel Meurier, Maître de langue du XVIe siècle : Tant va la cruche à la fontainette, Qu’elle laisse le manche ou l’oreillette.
Par la suite, d’autres auteurs se sont amusés à transformer le proverbe.
Ainsi, Beaumarchais (1732-1799), dans Le mariage de Figaro (acte I, scène 11) : « Tant va la cruche à l’eau… qu’elle s’emplit. »
Plus récemment, Alphonse Allais (journaliste, écrivain et humoriste, 1854-1905), donne au mot cruche le sens dont plus d’un anonyme s’est amusé aussi : « Tant va la cruche à l’eau, qu’enfin elle se case. »
Plus proche de nous encore, Raymond Queneau (écrivain français, 1903-1976) : « Tant va l’autruche à l’eau qu’à la fin elle se palme. »