Lien vers le blog des Proverbes

Presse / Contact

Côté mots

L’appétit vient en mangeant

Sens

Littéralement : il suffit de se mettre à table pour avoir envie de manger, ou de commencer une chose pour se rendre compte qu’on peut y trouver du plaisir.

Au sens figuré, le proverbe signifie que le désir naît de la pratique, mais surtout que cette pratique le fait grandir. Son sens devient alors : « plus on possède, plus on désire avoir ».

Origine

De tout temps, les auteurs ont puisé leurs métaphores dans l’alimentaire. Cela nous rapporte bien des fois au proverbe.

Ainsi, le poète latin Ovide (43 avant – vers 18 après J.-C.) écrit Quo plus sunt potae, plus sitiuntur aquae, Plus on a bu, plus on a soif (Fastes, I, 216), et encore Cibus omnis in illo causa cibi est, Tout aliment l’excite à d’autres aliments (Métamorphoses VIII, 11).

Le génie proverbial français a lui-même beaucoup exploité le domaine de la nourriture pour fonder ses maximes.

En 1534, Rabelais écrit, dans son Gargantua : « L’appétit vient en mangeant, la soif s’en va en buvant. » (chap. 5, ligne 108).

De nos jours, on accorde souvent l’origine du proverbe à Jacques Amyot (1513-1593), humaniste et traducteur de Plutarque.

Dès 1690, le dictionnaire de Furetière le répertoriait sous la forme En mangeant l’appétit vient et affirmait : « Ce proverbe vient d’Amiot Evêque d’Auxerre ».

Lire tout l’extrait du dictionnaire

« Ce proverbe vient d’Amiot Evêque d’Auxerre qui ayant dit d’abord au Roy Henry III que son ambition étoit bornée, & qu’il se contenteroit d’un petit Benefice, qu’on luy donna alors, ne laissa pas de demander l’Evêché d’Auxerre. Et comme le Roy luy reprocha que cela étoit contre ses premiers sentiments, il respondit, Sire, l’appetit vient en mangeant : ce qui a été dit depuis en toutes sortes d’occasions. »

Mais Jacques Amyot ne devenant évêque d’Auxerre qu’en 1570, on voit mal comment il pourrait être à l’origine d’un proverbe employé par Rabelais 36 années auparavant !

Comme souvent pour les proverbes, c’est donc une attribution d’origine fantaisiste.

Cela n’a pas empêché les dictionnaires de Panckouke (1748) et Trévoux (1771) de la reprendre textuellement.

En 1842, Pierre-Marie Quitard la remet enfin en cause dans son Dictionnaire étymologique, historique et anecdotique des proverbes et des locutions proverbiales.

Cela n’empêcha toujours pas que, en 1880, le Dictionnaire des curieux de Charles Ferrand (Besançon, gr. in-8°) raconte l’anecdote qui circule parfois sur Internet.

Lire l’anecdote du dictionnaire des curieux

Avant d’arriver aux honneurs, Amyot avait coutume de dire : “Le plus petit bénéfice suffirait à mes vœux.” Le roi lui donna la riche abbaye de Bellozane. Plus tard, l’évêché d’Auxerre étant devenu vacant, Amyot le demanda et l’obtint : Je croyais cependant, dit le roi à cette occasion, que vos vœux se bornaient à un petit bénéfice. - Sire, répondit Amyot, l’appétit vient en mangeant. »

Proverbes dans le même sens

  • À chacun le sien n’est jamais trop. (Le Roux, 1752)
  • Qui plus a plus convoite. (XIIIe siècle)
  • Que de soun ventre fai jardin, Au bout de l’an n’en ves la fin, qui de son ventre fait un jardin, au bout de l’an n’en voit la fin. (Provençal)

Le même proverbe ailleurs

  • The more you have, the more you want, le plus on en a, le plus on veut en avoir. (Anglais)
  • En comer y en rascar todo es empezar, pour manger et pour gratter, l’important est de commencer. (Espagnol)
  • Аппетит приходит во время еды, l’appétit vient pendant le repas. (Russe)

Proverbes à l’inverse

  • Prétendre contenter ses désirs par la possession, c’est compter que l’on étouffera le feu avec de la paille. (Chinois)

Proverbes sur le même thème

  • À bon appétit n’est point besoin de moutarde. (Français)
  • Mieux vaut appétit que sauce. (Français)
  • L’usage seulement fait la possession. (Français de La Fontaine).
  • Possession vaut titre, et usage rend maître. (Français, de Proverbe que dit li vilain).
  • Avoir perdu l’appétit à manger, est une maladie sans danger. (Espagnol)
  • La faim est le meilleur assaisonnement. (Brésilien)
  • On ne désire pas ce qu’on possède. (Italien de Giacomo Casanova)
  • Nourrir l’ambition dans son coeur, c’est porter un tigre dans ses bras. (Chinois)
  • Est pauvre celui qui n’éprouve pas la satiété. (Japonais)