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Proverbes & auteurs : proverbes dans le texte

Plaisir d’érudit ?

Citer un proverbe dont on peut se dire de manière à peu près certaine qu’il est un mot d’auteur est agréable, mais cela fait appel à de nombreuses précautions !…

En savoir plus sur les précautions à prendre

Phénomène fréquent : les auteurs s’inspirent les uns les autres.

Jean de La Fontaine est le premier à avoir reconnu que ses fables s’inspiraient non seulement des fables de Phèdre (poète latin, vers 18-50), mais, avant eux, de celles d’Ésope (VIIe-VIe siècle avant J.-C.), par exemple.

Phénomène tout aussi fréquent : les auteurs de proverbes s’inspirent de proverbes populaires avant de les “immortaliser” sous telles formes sous leurs plumes… Parfois, ils ont repris le travail écrit d’anonymes qui les avaient collectés avant eux.

(Ainsi, les proverbes de l’Orient archaïque ont été colportés par les chanteurs ambulants de l’époque. L’un deux les transcrivit, sans même y apposer son nom. Puis, en bout de chaîne, Hésiode, poète grec du VIIIe siècle avant J.-C., les a inclus dans son œuvre Les travaux et les jours…)

D’autres fois, la relation entre auteur et parole du peuple est encore plus étroite : on sait que les fables d’Ésope n’ont été recueillies par écrit qu’à partir du IVe siècle av. J.-C.. Au cours de deux siècles entiers, qui les aura remaniées oralement ?

Enfin, certains proverbes sont parfois attribués à des auteurs de façon trop hâtive.

C’est par exemple le cas de Il ne faut pas mettre tous ses œufs dans le même panier fréquemment accordé à Cervantès, ou de L’appétit vient en mangeant souvent attribué à Jacques Amyot alors que Rabelais avait utilisé l’expression plus de 30 ans auparavant.

Cette rubrique tâche d’exclure les dictons, les maximes, les nombreuses citations. Elle ne donne que quelques exemples de « proverbes dans le texte » et ne prétend pas avoir recensé tous les proverbes qui viennent d’auteurs de façon attestée.

Elle est au contraire une des rubriques les plus évolutives du site et nous vous invitons à y participer en bas de page, mais en tenant compte des précautions énoncées, s’il vous plaît.

Quelques vers de Jean de la Fontaine (1621-1695) devenus des proverbes 

  • À l’œuvre on connaît l’artisan. (Les Frelons et les Mouches à miel, V, 1)
  • Adieu, veau, vache, cochon, couvée. (La Laitière et le pot au lait, VII, 10)
  • Aide-toi, le Ciel t’aidera. (Le Chartier embourbé)
  • Amour, Amour, quand tu nous tiens / On peut bien dire : Adieu prudence. (Le Lion amoureux, IV, 1)
  • En toute chose il faut considérer la fin. (Le Renard et le Bouc, III, 5)
  • Il ne faut jamais vendre la peau de l’ours qu’on ne l’ait mis par terre. (L’Ours et les deux Compagnons, V, 20)
  • La raison du plus fort est toujours la meilleure. (Le Loup et l’Agneau, I, 10)
  • Le travail est un trésor. (Le Laboureur et ses enfants, V, 9)
  • On a souvent besoin d’un plus petit que soi. (Le Lion et le Rat, II, 11 ; source : Ésope)
  • Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage. (Le Lion et le Rat, II, 11)
  • Petit poisson deviendra grand (/ Pourvu que Dieu lui prête vie). (Le Petit Poisson et le Pêcheur, V, 3)
  • Plus fait douceur que violence (Phébus et Borée, VI, 3)
  • Plutôt souffrir que mourir (/ C’est la devise des hommes). (La Mort et le Bûcheron, I, 16)
  • Que de tout inconnu le sage se méfie. (Le Renard, le loup et le cheval, XII, 17)
  • Rien ne sert de courir ; il faut partir à point. (Le Lièvre et la Tortue, VI, 10)
  • Si ce n’est toi, c’est donc ton frère. (Le Loup et l’Agneau, I, 10)
  • Tel est pris qui croyait prendre. (Le Rat et l’Huître, VIII, 9)
  • Tout flatteur vit aux dépens de celui qui l’écoute. (Le Corbeau et le Renard, I, 2)

Certains vers de La Fontaine se sont modifiés avant de devenir proverbes…

  • Ces raisins sont trop verts : « Ils sont trop verts, dit-il, et bons pour des goujats. » (Le Renard et les Raisins, III, 11)
  • Le roseau plie, et ne rompt pas : « Je plie, et ne romps pas. » (Le Chêne et le Roseau, I, 22)
  • Méfiance est mère de sûreté : « Il était expérimenté, / Et savait que la méfiance / Est mère de la sûreté. » (Le Chat et un vieux rat, III, 18)
  • Les petits pâtissent des sottises des grands : « Hélas, on voit que de tout temps / Les petits ont pâti des sottises des grands. » (Les Deux Taureaux et une grenouille, II, 4)
  • On ne peut contenter tout le monde et son père : « - Parbleu, dit le meunier, est bien fou du cerveau / Qui prétend contenter tout le monde et son père. » (Le Meunier, son fils et l’âne, III, 1)

Quelques proverbes de François Rabelais (v. 1483-1553)

La plupart de ces proverbes sont tirés de Pantagruel et Gargantua (1534 et 1535). Nous n’avons traduit que les plus célèbres en français moderne. Nous en avons trouvé d’autres seulement dans leurs versions utilisées de nos jours.

  • Pour ce que rire est le propre de l’homme : « Le rire est le propre de l’homme. »
  • L’habit ne faict poinct le moyne : « L’habit ne fait pas le moine. »
  • Qui trop embrasse peu estrainct : « Qui trop embrasse, mal étreint. »
  • Ce pendent [pendant] que le fer est chault il le fault batre : « Il faut battre le fer pendant qu’il est chaud. »
  • Des choses mal acquises le tiers hoir [héritier] ne jouira : « Bien mal acquis ne profite jamais. »
  • Le ventre affamé n’a poinct d’aureilles (III, 15) : « Ventre affamé n’a point d’oreille. »
  • Tout vient à poinct, qui peult attendre (IV, 48) : « Tout vient à point qui sait attendre. »
  • Petite pluye abat grand vent (G, 5) : « Petite pluie abat grand vent. »
  • Si je ne boy, je suis à sec, me voilà mort…. en sec jamais l’ame n’habite : « L’âme n’habite pas le sec. » (Gargantua I, 5)
  • Science sans conscience n’est que ruine de l’âme, Pantagruel, VIII
  • La mûle du pape ne boit qu’à ses heures, Gargantua, VI
  • Il y a plus de vieux ivrognes que de vieux médecins, Gargantua, XLI
  • L’appétit vient en mangeant, la soif s’en va en buvant, Gargantua, V
  • Le temps mûrit toute chose ; par temps toute chose vienne en évidence ; le temps est père de vérité, Le quart Livre, XL (1546)
  • À petit manger, bien boire, Le quart Livre, XII (1552)
  • Toutes choses se meuvent à la fin, Le cinquième Livre, XXXXVII (1564)

Voir des proverbes de Rabelais en vieux français

A cul de foyrard [qui a la diarrhée] tousjours abonde merde (G, 9)

• De bon vin on ne peult faire maulvais latin (G, 19)

• Lever matin n’est poinct bon heur, boire matin est le meilleur (G, 21)

• Oignez [flattez] villain, il vous poindra [piquera] ; poignez villain, il vous oindra (G, 32)

• De la pance vient la dance (G, 32)

• La Penthecoste ne vient foys qu’elle ne me couste [me coûte à chaque fois] (P, 11)

• Qui boit en mangeant sa souppe, quand il est mort, il n’y voit goutte (P, 12)

• Quand le soleil est couché, toutes bestes sont à l’ombre (P, 12)

• Aulcunes foys [quelquefois] nous pensons l’un, mais Dieu faict l’aultre (P, 12)

• Il faict bon veoir vaches noires en boys bruslé quand on jouist de ses amours (P, 12)

• Est-il mal de dens plus grand que quand les chiens vous tenent [tiennent] aux jambes ? (P, 14)

• Faulte [manque] d’argent, c’est douleur non pareille (P, 16)

• Veit-on [vit-on] jamais femme belle qui aussi ne feust [qui ne fût pas non plus] rebelle ? (P, 21)

• Au bout de l’aulne [mesure d'environ 1,20 m] fault [manque] le drap (P, 33)

• Oncques [jamais] vieil cinge ne feit [fit] belle moue (III, pr)

• Qui au soir ne laisse levain, ja [jamais] ne fera au matin lever paste (III, 3)

• Patenostres et oraisons

• Sont pour ceulx la qui les retiennent

• Un fiffre allans en fenaisons

• Est plus fort que deux qui en viennent (III, 6)

• Se mocque qui clocque [boite] (III, 24)

• Un fol enseigne bien un saige [sage] (III, 37)

• On dict, en proverbe commun, heureux estre le medicin qui est appellé sur la déclination [déclin] de la maladie (III, 41)

• Maille à maille est faict le aubergeon [petite cotte de mailles] (III, 42)

• A faire la gueule d’un four sont trois pierres nécessaires (IV, pr)

• A l’enfourner on faict les pains cornuz (IV, 1)

• Il ne feut oncques [jamais] tel mariage qu’est de la poyre et du fromaige (IV, 9)

• Fol est qui se couvre d’un sac mouillé (IV, 50)

• De jeune hermite, vieil diable (IV, 64)

• Lever à cinq, dipner à neuf

• Soupper à cinq, coucher à neuf

• Fait vivre d’ans nonante neuf (IV, 64)

• Le mal temps passe et retourne le bon pendent qu’on trinque autour de gras jambons (IV, 66)

• Le dangier passé est le sainct mocqué (IV, bd)

Quelques proverbes de Michel Eyquem de Montaigne (1553-1592) 

Tous sont tirés des Essais, parus entre 1580 et une édition posthume de 1595. Proverbes ou maximes, en l’occurrence ?

Beaucoup d’entre eux sont à peine connus, peu sont utilisés…

  • Fais ton fait et te connais. Essais, I, III .
  • Il ne se fait aucun profit qu’au dommage d’autrui. Variante : Le profit de l’un est le dommage de l’autre. Essais, I, XXII
  • Nous ne sommes savants que de la science présente. Essais, I, XXV
  • Rien n’est cru si fermement que ce que l’on sait le moins. Essais, I, XXXXII
  • Mieux vaut laisser son enfant morveux que de lui arracher le nez. Essais, II, VI
  • La plus subtile folie se fait de la plus subtile sagesse. Essais, II, XII
  • Il est au monde animal traître au prix de l’homme. Essais, II, XII
  • La satiété engendre le dégoût. Essais, II, XV
  • Il y a moins de mal souvent à perdre sa vigne qu’à la plaider. Essais, II, XVII
  • Les terres fertiles font les esprits infertiles. Essais, II, XXII
  • La raison est un glaive double et dangereux. Essais, II, VVII
  • C’est (sans doubte) une belle harmonie, quand le faire, et le dire vont ensemble. Essais, II, 31
  • La cherté donne goût à la viande. Essais, III, V
  • Il se faut prêter à autrui, et ne se donner qu’à soi-même. Essais, III, V
  • Il est plus aisé d’accuser un sexe que d’excuser l’autre. Essais, III, V
  • Il est temps de regimber quand on s’est laissé entraver. Essais, III, V
  • La confession généreuse et libre énerve le reproche et désarme l’injure. Essais, III, IX


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